Héritage du passé, stéréotypes genrés… les femmes parlent moins facilement d’argent que les hommes. Bilan, elles sont moins bien rémunérées et lorsque ça se gâte dans la sphère personnelle, elles se retrouvent plus démunies. Pourquoi une telle omerta autour de l’argent ? Il est temps de briser ce énième plafond de verre !
Un lourd héritage
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que l’argent des femmes a longtemps été contrôlé par leurs pères et leurs maris. La gent féminine n’a le droit d’ouvrir un compte bancaire, seule, que depuis… 1965. De surcroît, la liberté de parole autour de l’argent et du patrimoine ne fait pas partie de la culture française. « Pour vivre heureux vivons caché et ne montrons pas trop ce que l’on possède. Cette posture est exacerbée chez les femmes. Lorsqu’elles parlent d’argent, elles sont considérées comme intéressées et vénales. Pour un homme, c’est au contraire perçu comme un attribut de pouvoir », souligne Sophie Muffang, coach et auteure. De par ce poids du passé, les femmes ont donc beaucoup de difficulté à évoquer l’argent en société, et notamment dans l’univers professionnel où, par exemple, elles n’osent pas réclamer d’augmentation. « Elles ont intériorisé cette discrimination genrée. Elles se disent : “C’est déjà pas mal que je travaille, donc je ne vais pas les embêter avec une demande d’augmentation”. Pour elles, cela revient à prendre un risque ; alors que si c’est un homme qui formule cette requête, il est perçu comme confiant et assertif », précise Laurence Bachmann. Résultat, dans le secteur privé en France, les femmes gagnent en moyenne 28,5 % de moins que les hommes (source Insee, juin 2020).
Se taire pour préserver son couple
Cette autocensure féminine et ce lourd héritage, qui confine au silence sur le sujet de l’argent, s’expriment également dans leur sphère personnelle. « Les femmes sont davantage dans la relation que les hommes. Selon elles, parler d’argent dans un couple est susceptible de polluer une relation. Pour éviter cela, elles n’abordent pas le sujet », ajoute Sophie Muffang. Elles préfèrent se parler d’argent à elles-mêmes. Toutes les femmes qui se marient aujourd’hui ont conscience du risque de divorce. Et ont donc le souci de prévoyance et d’autonomie. « Dans leur porte-monnaie, elles isolent leur argent de celui du ménage. En plus d’un compte commun, elles marquent leur propre argent au travers d’un compte bancaire personnel. Elles se parlent d’argent à elles-mêmes mais très peu avec leur conjoint, créant ainsi un décalage entre leurs pratiques et leur discours », constate Laurence Bachmann. « Quand elles évoquent l’argent dans la sphère familiale, c’est souvent en rapport avec l’éducation des enfants et le bien-être de tous. Ce sont les “care– givers” », renchérit Sophie Muffang. Et lorsque vient le moment de la séparation, il n’est pas rare qu’elles lâchent sur le montant de la prestation compensatoire pour « avoir enfin la paix », racontent-elles.
L’argent, un sujet comme un autre
Heureusement, il est possible de briser ce énième plafond de verre. Comment ? « D’abord, en prenant conscience de l’héritage qui nous habite et des enjeux de connaissances du genre et des assignations de rôle de chacun. Avoir cette lucidité est indispensable », insiste Laurence Bachmann. Pour la coach Sophie Muffang, « les femmes doivent intégrer que l’argent est un sujet banal qui appartient à la vie quotidienne. Donc, leur rôle est de se l’approprier. » Pour cela, il convient d’apprendre et de comprendre les mots et les fondamentaux qui régissent l’argent. Compulser la presse éco pour assimiler certains mécanismes, s’intéresser aux questions d’épargne, de patrimoine, etc. Demander des clarifications à son conseiller bancaire sur tel ou tel produit d’assurance-vie, d’épargne retraite, etc. Lors d’un mariage, parler explicitement d’argent avec son futur conjoint. « Au quotidien, faire des bilans patrimoine réguliers au sein d’un couple et se motiver l’un l’autre pour la cogestion de ces dossiers », illustre Sophie Muffang. Au boulot, il faut évidemment oser solliciter des augmentations. Pour viser juste, évoquer ses prétentions salariales avec des tiers de confiance comme des chasseurs de têtes ou un coach. Autre piste : éplucher les études de salaires sectorielles afin de connaître sa valeur sur le marché de l’emploi. Et, surtout, ne pas s’en laisser conter si la réponse est négative. C’est en fait un non ponctuel qui implique de remettre sur le métier l’ouvrage aussi souvent que nécessaire. Comme des hommes peuvent le faire plusieurs fois par an parfois.•